pour revenir sur cette période,
merci l’État...
https://www.lemonde.fr/economie/article ... _3234.html
En Auvergne-Rhône-Alpes, des stations de ski épinglées pour avoir abusé des aides de l’Etat après le Covid-19
Selon un audit de la chambre régionale des comptes, plusieurs sociétés de remontées mécaniques ont cumulé des aides, et dépassé les seuils prévus, pour un surcoût de 30,8 millions d’euros pour l’Etat.
Plusieurs sociétés de remontées mécaniques de stations de ski des Alpes du Nord ont exagérément profité du système d’aides de l’Etat, mis en place pendant la crise sanitaire. Certaines sociétés ont même réussi à s’enrichir, en augmentant leurs fonds propres, alors qu’elles avaient complètement cessé leur activité. Tel est le principal grief énoncé dans deux rapports de la chambre régionale des comptes (CRC) de la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA), rendus publics mercredi 26 octobre.
« L’aide “coût fixe” a créé un effet d’aubaine pour les délégataires des plus grandes stations, qui ont par ailleurs la meilleure solidité financière et qui n’ont assumé aucun risque d’exploitation. Pour la plus petite société de l’échantillon, l’aide a pleinement joué son rôle en évitant une dégradation excessive de son bilan, qui aurait pu faire peser sur elle un risque de faillite », est-il écrit dans la synthèse de la CRC.
Les stations françaises accueillent près de 10 millions de visiteurs par an, ce qui génère un chiffre d’affaires total de 10 milliards d’euros, et un investissement de 356 millions d’euros chaque année. Sur les cent cinquante sociétés de remontées mécaniques françaises, privées ou publiques, trente-six des plus importantes se situent dans les Alpes du Nord. Ce qui a incité la chambre régionale des comptes d’AURA à mener un « audit flash », un format de contrôle simplifié et rapide sur un thème circonscrit. L’étude a porté sur un échantillon de six sociétés situées en Savoie et en Haute-Savoie, aux chiffres d’affaires allant de 78 à 39 millions d’euros : La Plagne, Tignes, Val Thorens, Avoriaz. Et deux de moins de 10 millions de facturations, à Saint-Sorlin-d’Arves et La Toussuire.
Une « double compensation »
Le confinement, annoncé le 14 mars 2020, a induit une baisse de fréquentation de 15 % en montagne, pour la saison 2019-2020. Le 4 décembre 2020, la fermeture des remontées mécaniques a provoqué une saison blanche pour 2020-2021. Les chiffres d’affaires se sont effondrés, de 1 % à 5 % des résultats précédents. Mais les coûts fixes sont restés importants : maintenance obligatoire des équipements, primes d’assurance, charges locatives…
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Inflation : le gouvernement prépare la fin des aides généralisées
L’Etat et les professionnels, représentés par le syndicat professionnel Domaines skiables de France, ont mis au point, en quatre mois, un dispositif spécifique, destiné à faire face aux charges permanentes des entreprises de remontées mécaniques. Le montant de cette subvention « coût fixe » a été porté à 49 % du chiffre d’affaires de référence de l’exploitant, calculé sur les saisons précédentes. Ce qui permettait de compenser 70 % des charges fixes. L’aide a été autorisée par la Commission européenne, le 19 mars 2021.
En ajoutant les autres aides aux entreprises – chômage partiel, exonérations de charges sociales, fonds de solidarité –, les six stations alpines contrôlées ont perçu une aide totale de l’Etat de 131,9 millions d’euros. Sur ce montant, 111,6 millions d’euros provenaient de la seule subvention « coût fixe ». Problème : en activant le chômage partiel ou le fonds de solidarité, ces sociétés ont bénéficié d’une prise en charge de dépenses déjà compensées par la subvention « coût fixe », alors que l’accord prévoyait expressément une aide « non cumulable ».
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dans les Alpes, les stations de ski face à la flambée des prix de l’énergie
« Dans ces conditions, le risque existe que les sociétés délégataires soient amenées à devoir reverser les montants perçus sur le fonds de solidarité », affirme le rapport de la CRC. Cinq des six sociétés contrôlées ont finalement bénéficié d’une aide couvrant de 81 % à 123 % leurs coûts fixes, contre les 70 % prévus. Selon le calcul de la CRC, cette « double compensation » a coûté à l’Etat 30,8 millions d’euros de trop, pour le seul échantillon étudié. Selon les magistrats financiers, un calcul à partir de l’excédent brut d’exploitation aurait permis un « meilleur calibrage » des aides dans la mise en œuvre du « quoi qu’il en coûte ». Selon l’audit, les sociétés des stations de Morzine et Val Thorens ont même dégagé des bénéfices dans leur résultat d’exploitation, grâce à l’aide publique. « Le contribuable a été un actionnaire sans le vouloir de ces deux sociétés privées » s’est étonné Bernard Lejeune, en présentant l’audit, mercredi matin. Pour le président de la CRC Auvergne-Rhône-Alpes, « le calibrage a été très élevé, et le quoi qu’il en coûte a été excessif au détriment du contribuable en faveur des entreprises concernées ».
Richard Schittly(Lyon, correspondant)