Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Ici on parle montagne, et c'est aussi là que vous pouvez présenter vos sorties, également en dehors du Grand-Massif.

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miamivince
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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par miamivince » 06 sept. 2023 16:09

hakan_cheronsen a écrit :
06 sept. 2023 11:38

Le maire assurait alors que la majorité des Clusiens étaient favorables à la retenue, ce qu’avait relevé le rapport de la commission d’enquête. Il déplorait que les opposants en aient fait un « totem contre le ski ». Car sur les 148 000 m3 prévus, un tiers doit être consacré à l’eau potable, et le reste à la production de neige artificielle.
L'affectation pour un tiers à une ressource en eau potable aurait été ajoutée au dossier en cours de route. Les associations ayant porté les recours ont dénoncé un alibi de la commune pour contourner les interdictions de destructions d'espèces et de sites protégés, alibi sans lequel le dossier n'avait aucune chance d'être autorisé.

La retenue de la Cluzaz n'avait pas pour vocation de capter des eaux de pluie par gravité mais de stocker de l'eau de source pompée plus loin.
Dans le cadre du recours en référé et au fond, les associations ont notamment mis en avant qu'il n'y avait aucun dispositif d'épuration de l'eau dans le projet alors même qu'elle serait interdite à la consommation du fait de son stockage pendant des mois en plein air, ce qui selon les associations, participerait à démontrer la manoeuvre frauduleuse destinée à donner au projet une part d'utilité publique (fictive) indispensable à son autorisation.

Attendons le jugement au fond.

hakan_cheronsen
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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par hakan_cheronsen » 18 oct. 2023 11:49

https://www.20min.ch/fr/video/coupe-du- ... 4896922375

Coupe du monde de ski à Zermatt (VS): Le glacier est éventré et le trouble règne sur la légalité du tracé

A moins d’un mois des descentes italo-suisses autour du Cervin, la neige fait défaut et la nouvelle piste est aménagée à grands coups de pelles mécaniques dans les glaciers. Et c’est partiellement en dehors des zones autorisant la pratique du ski que les machines dégomment la glace. Du côté de l’organisation, on assure que tout est en ordre, mais des avocats et un urbaniste mettent grandement en doute la légalité des travaux. La Commune refuse de répondre à nos interrogations tandis que le Canton indique qu’il s’intéressera à nos observations de ce début d’automne 2023.


Ce genre d’info ne serait jamais sortie avant.

MA2T
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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par MA2T » 18 oct. 2023 13:24

Les images des pelles sur le glacier sont particulièrement dérangeantes...

miamivince
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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par miamivince » 21 oct. 2023 15:04

J’ai vu ça.
Je me suis frotté les yeux pour y croire.
Il y a quelques semaines la communauté des glaciologues indiquait que les glaciers alpins disparaissent plus vite que prévu et qu’il n’en resterait plus beaucoup à la fin du siècle. https://www.rtl.fr/programmes/on-refai ... la-planete
Les suisses ont mal interprété le message et ont compris que ca ne fondait pas assez vite et ont mis des pelleteuses sur le coup. C’est surtout que les 100M€ de retombées de la coupe du monde doivent être assurés…. quoi qu’il en coûte.
C’est vraiment un truc de shadok.

La station haut-valaisanne attend les ... t Zermatt.

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hakan_cheronsen
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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par hakan_cheronsen » 08 janv. 2024 11:02

https://www.lemonde.fr/idees/article/20 ... _3232.html



JO 2030 dans les Alpes : le risque d’un cadeau empoisonné
Analyse


Jessica Gourdon

La probable attribution des Jeux olympiques d’hiver à la France, six ans à peine après ceux d’été à Paris, suscite de multiples réserves.

Publié le 05 janvier 2024 à 09h00

Alors que la France se prépare à accueillir, cet été, le plus important événement sportif organisé sur son territoire ces dernières décennies, la très probable attribution des Jeux olympiques d’hiver de 2030 aux Alpes françaises peut laisser pantois. En raison du calendrier : 2030 est une perspective très proche des Jeux de Paris. Mais aussi parce que ce méga-événement se déroulera dans les Alpes, un territoire symbole de la vulnérabilité au changement climatique et des nécessaires transformations des modèles économico-touristiques.
Lire aussi le reportage : Article réservé à nos abonnés Réchauffement climatique : dans les stations, après le ski, la difficile reconversion

Les raisons de se réjouir seraient pourtant multiples, à en croire François de Canson, vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui a porté, avec Auvergne-Rhône-Alpes, la candidature française auprès du Comité international olympique (CIO). Celui-ci estime que ces Jeux d’hiver seront une formidable occasion de maintenir, après Paris, un enthousiasme populaire autour de l’olympisme, de faire rêver les jeunes avec des sports de glisse, de susciter des vocations, d’« attirer des visiteurs vers la neige et la montagne ».

Tout cela dans un contexte où les stations de ski, même celles qui sont à des altitudes élevées, voient leur modèle se fragiliser. Au fil des ans, les saisons se raccourcissent, la neige est plus incertaine – une étude de référence révèle qu’un tiers des stations alpines auront de lourds problèmes d’enneigement en 2050, même avec l’apport de neige artificielle. Déjà, la vente de forfaits stagne, voire baisse, alors que les stations doivent rentabiliser leurs derniers investissements dans les remontées mécaniques et l’immobilier. Les jeunes Français rêvent moins de ski. La clientèle étrangère est devenue essentielle. Les Jeux olympiques donneraient ainsi une chance inespérée à ce modèle de dégager son horizon.
Soutien politique

En outre, ces Jeux seraient l’occasion de valider des projets d’infrastructure (trains, routes, ascenseurs valléens…), alors que les stations alpines sont peu accessibles en train et que les routes sont encombrées, en particulier dans la vallée de la Tarentaise. « On a une fenêtre de tir qui va nous permettre d’aller beaucoup plus vite », estime Jean-Luc Boch, président de l’Association nationale des maires des stations de montagne.
Voir aussi : Article réservé à nos abonnés Skier dans une France à +4° : comment l’enneigement est devenu une science

Il n’est donc pas surprenant que de nombreux élus et entreprises soutiennent cette candidature. Cet appui politique, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, a d’ailleurs été un élément décisif pour le CIO. Les organisateurs ont aussi fourni un sondage – méthode dont on connaît les limites – attestant d’un soutien populaire de l’événement. En outre, ces Jeux, présentés comme « sobres et responsables », utiliseront « à 95 % » des infrastructures existantes, en particulier celles des Jeux d’Albertville (1992).

Pourtant, le projet, estimé à 1,8 milliard d’euros et appelé à façonner l’avenir d’une région pendant les six prochaines années, est loin de susciter l’unanimité. De multiples voix s’élèvent pour demander une consultation de la population. « Ce qu’on voit en montagne, c’est le recul des glaciers, la baisse de la ressource en eau, les limites d’un modèle centré presque exclusivement sur le tourisme. Or, on va organiser un événement qui va aggraver tout cela ! », se désespère Valérie Paumier, fondatrice de l’association Résilience Montagne.


« On va investir des millions pour rénover ou créer des équipements olympiques dont on peut questionner l’utilité future. Et c’est autant d’argent qui n’ira pas à la transition », poursuit l’universitaire Eric Adamkiewicz, spécialiste de la montagne. Au Grand-Bornand (Haute-Savoie), 50 millions d’euros ont été promis pour financer des aménagements afin d’accueillir à la fois les Mondiaux de biathlon et les Jeux d’hiver. Cela dans une station qui a dû, fin 2022, apporter de la neige par camion pour préparer des pistes pas assez blanches.
Liste de conditions

Autre point de crispation : l’impact des déplacements, qui sont à l’origine de l’essentiel des émissions des gaz à effet de serre lors des événements internationaux. Même si les aménagements s’accélèrent, il est peu probable que tous les spectateurs puissent accéder aux stations de manière décarbonée.

On peut également craindre que la perspective des Jeux contribue à multiplier les infrastructures touristiques neuves et à faire flamber les prix de l’immobilier. En particulier dans les stations sous le feu des projecteurs (La Plagne, Courchevel, Serre-Chevalier, La Clusaz), rendant encore plus difficile l’accès des locaux au logement. « On s’enferme dans un modèle qu’on devrait plutôt repenser », souligne Fiona Mille, de l’association Mountain Wilderness. « Ces Jeux sont un déni climatique, social, économique et démocratique », déplore Stéphane Passeron, ancien skieur de fond professionnel.


Est-il possible d’imaginer une issue favorable ? Sans rejeter les Jeux, un texte signé par une centaine d’acteurs de la montagne énumère des conditions qui les rendraient à la fois « respectueux des limites planétaires » et « au service des territoires ».

Parmi ces mesures : limiter drastiquement le recours à la neige artificielle, grâce, entre autres, à une souplesse du calendrier. Réserver 90 % des billets à des spectateurs locaux et organiser des retransmissions dans des fan-zones partout dans le monde. Rénover tous les bâtiments et logements utilisés pour l’événement, plutôt que d’en construire de nouveaux. En amont, aménager le calendrier de sélection des athlètes pour leur permettre de réduire leur empreinte carbone. Mais aussi : renoncer au sponsoring d’entreprises fortement émettrices de gaz à effet de serre, aux hélicoptères pour les prises de vues, aux produits dérivés…

« Tout est faisable, si on accepte que ces Jeux soient différents », conclut le consultant Mael Besson, à l’origine du texte. Si l’on se contente de promesses – déjà honorables – figurant dans le dossier de candidature, le risque est fort que cet événement devienne un cadeau empoisonné.

Jessica Gourdon

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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par hakan_cheronsen » 06 févr. 2024 13:43

attention, du très solide...

https://www.lemonde.fr/economie/article ... _3234.html


Pour la Cour des comptes, les stations de ski n’ont pas suffisamment pris la mesure du changement climatique

Dans un rapport, la Cour des comptes estime que seuls quelques sites en France peuvent espérer poursuivre une exploitation au-delà de 2050 et que cette évolution est sous-estimée par les maires et les collectivités territoriales.


Par Jessica Gourdon

Dans les trente prochaines années, le changement climatique va bouleverser les équilibres des stations de ski. Toutes ne vont pas mourir, mais toutes seront frappées. Seules « quelques stations » peuvent espérer poursuivre une exploitation au-delà de 2050, affirme la Cour des comptes, dans un rapport publié mardi 6 février. Or, nombre de ces communes ne semblent pas en prendre la mesure.


Ce document de 147 pages, réalisé après un audit de quarante-deux stations de tous les massifs, part d’un constat : le modèle du ski français « s’essouffle », étranglé à la fois par la baisse du nombre de skieurs, par un parc de logements de moins en moins adapté, et par les lourds investissements réalisés par des opérateurs de remontées mécaniques. A tout cela s’ajoute le changement climatique, qui a réduit la quantité de neige, raccourcit les saisons, et nécessite de plus en plus d’investissements dans la production de neige artificielle.

Aujourd’hui, les stations de ski bénéficient d’importantes aides publiques. Ainsi, 23 % du chiffre d’affaires des opérateurs de remontées mécaniques des petites ou moyennes stations est issu des subventions. Cela revient à faire payer le contribuable – et non l’usager – pour une activité touristique, ce qui « pose problème », selon la Cour, qui rappelle que hors de France « les remontées relèvent du secteur privé ».
Baisse de l’enneigement

Ces aides conduisent souvent à financer des modèles d’affaires à l’avenir incertain, et lourdement basés sur l’emprunt. Fragilisées par la baisse de l’enneigement et par un moindre nombre de skieurs, « de plus en plus de stations » ne sont plus en capacité d’atteindre l’équilibre d’exploitation, et sont « fortement déficitaires » (Chalmazel dans la Loire, Le Mont-Dore dans le Puy-de-Dôme, Auron dans les Alpes-Maritimes, Saint-Pierre-de-Chartreuse en Isère…).

« La tendance à la baisse de l’activité ski est insuffisamment prise en compte par les collectivités » dans leurs investissements, écrit la Cour. Elle cite l’exemple de Font-Romeu, dans les Pyrénées-Orientales, qui a adopté un plan de développement maintenant jusqu’en 2047 un nombre de skieurs « stable ». « Plus surprenant encore », Val Louron (Hautes-Pyrénées) indique, dans son plan d’affaires, vouloir presque doubler son nombre de clients, malgré son altitude moyenne, l’exposant de manière très élevée au manque structurel de neige.


Le rapport examine le cas de la neige artificielle, présentée par les acteurs de la montagne comme une solution face au changement climatique. Or, les canons à neige, très coûteux, posent de multiples problèmes, à commencer par leur impact sur la ressource en eau, souvent « sous-estimé ». De plus, si la température augmente trop, les canons ne peuvent pas être utilisés. En outre, les retenues collinaires, qui servent à stocker l’eau nécessaire, créent des conflits d’usage. Ainsi, dans certains cas, les politiques d’enneigement tournent à la « mal adaptation », estime la Cour, qui cite l’exemple de Super-Besse (Puy-de-Dôme), station d’altitude moyenne du Massif central, qui a énormément investi dans des appareils de production de neige, et envisage encore d’étendre cette couverture.

Les rapporteurs se montrent assez critiques sur le développement d’activités hors ski (luges, tyroliennes…), utilisables hiver comme été, pensées « sans stratégie », ce qui amène, par exemple, à des concurrences inutiles entre stations. Et lorsqu’il existe des bilans financiers de ces activités « ils font généralement apparaître un déséquilibre ».
Démantèlement des télésièges

Pour sortir de cette situation, la Cour des comptes appelle à une réforme de la gouvernance, afin que les décisions « ne relèvent plus seulement de l’échelon communal » – ce qui fait bondir, dans sa réponse, l’association qui représente les maires de ces stations. Le rapport propose de conditionner les aides publiques à la prise en compte du changement climatique, et de créer un fonds consacré à la transition de ces territoires, chargé notamment de l’épineuse question du démantèlement des télésièges abandonnés.
Lire l’analyse : Article réservé à nos abonnés JO 2030 dans les Alpes : le risque d’un cadeau empoisonné

Enfin, le rapport établit un tableau comparatif de 163 stations de ski selon un indice de vulnérabilité, fonction du risque climatique et économique auxquels elles font face. Les stations les plus exposées au risque de faillite sont presque toutes situées dans les Alpes du Sud : Roubion-les-Buisses, Ceillac, Chaillol, Laye, Molines-Saint-Véran, Aiguilles, Arvieux… A l’inverse, les grandes stations des Alpes du Nord sont les moins menacées. Tignes, Val-Thorens, Val-d’Isère, Les Deux-Alpes, Valmeinier, Chamonix ou encore Les Ménuires disposent des meilleurs scores de viabilité.

Jessica Gourdon

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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par hakan_cheronsen » 06 févr. 2024 13:44


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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par hakan_cheronsen » 06 févr. 2024 17:59

et cela aussi...


https://www.lemonde.fr/economie/article ... _3234.html

Dans les Alpes, des vacances au ski de plus en plus élitistes

Des résidences et des commerces plus luxueux, des forfaits de plus en plus chers, des prix de l’immobilier prohibitifs… Avec la « montée en gamme » des grandes stations d’altitude, la clientèle française ne cesse de se réduire.


Par Jessica Gourdon ( Val-d’Isère (Savoie), envoyée spéciale)


A l’heure du déjeuner, au sommet d’une piste de ski du domaine de Val-d’Isère (Savoie), le restaurant d’altitude La Cucucina fait salle comble. Oubliez le traditionnel chalet à tartiflettes et vin chaud : ici, tout est démesuré. Dans la salle décorée à la manière d’un atelier d’artiste de la Renaissance, une danseuse exécute des figures acrobatiques depuis un cerceau suspendu, accompagnée par une chanteuse de jazz en robe de soirée. Les serveurs, costumés en artistes peintres, apportent aux skieurs – des Anglais, des Néerlandais, des Brésiliens – des plats italiens issus d’une carte signée de l’ex-« Top Chef » Denny Imbroisi : rigatonis à la truffe (45 euros), pizza sicilienne (34 euros), poulet alla diavola (39 euros)…
Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Pour la Cour des comptes, les stations de ski n’ont pas suffisamment pris la mesure du changement climatique

Ouvert fin 2021, La Cucucina, qui appartient au groupe La Folie douce, incarne une réalité observée dans toutes les grandes stations de ski des Alpes : la montée en gamme. Des restaurants et des commerces de plus en plus qualitatifs, des hôtels ou résidences plus luxueux que ceux qu’ils remplacent, des loisirs plus nombreux et variés, des télésièges toujours plus rapides… Et des prix qui étranglent les habitués des vacances à la neige, en particulier dans un contexte inflationniste. Chez Sunweb, l’un des principaux tour-opérateurs du ski en France, les tarifs des séjours tout compris ont augmenté de 12 % en deux ans. Par exemple, pour une semaine à La Plagne pendant les vacances scolaires, les « packages » (logement, skis, forfaits) les moins chers, pour une famille de quatre, commencent à 2 600 euros.

« La conséquence, c’est le rétrécissement de la clientèle française qui peut se permettre d’aller au ski, tandis que les stations vont chercher énormément de clientèle à l’étranger », explique Alain Boulogne, vice-président de l’association environnementale Cipra. La « base » des skieurs est pourtant étroite : 11 % des Français déclarent pratiquer le ski tous les ans, selon la dernière enquête du ministère chargé des sports (2020), avec une surreprésentation des cadres et professions intermédiaires.
Pression immobilière


Cette montée en gamme est directement liée à la pression immobilière, qui s’est considérablement accrue ces dernières années dans les stations de ski les plus enneigées. Les promoteurs achètent les terrains de plus en plus chers, et y construisent des hôtels ou des appartements haut de gamme, qui dégagent des marges supérieures et attirent une nouvelle clientèle. Ces nouveaux programmes, pourvoyeurs de recettes pour les stations, ont permis de maintenir la viabilité du système, et de financer la montée en gamme de toutes les prestations.

« A Tignes, on est passé de deux hôtels cinq étoiles à une quinzaine, en l’espace de quinze ans », affirme Sébastien Mérignargues qui, après avoir dirigé l’office de tourisme de cette station, est aujourd’hui en poste à Avoriaz. Dans le même temps, certains types d’hébergement tendent à disparaître, comme les structures du tourisme social, les centres de colonies de vacances. « Ce qui crée un vrai problème de renouvellement des générations. Le ski, pour en faire adulte, on a besoin d’y être initié soit par ses parents, soit par l’école », poursuit-il.
Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Devenu un produit de luxe, le Club Med à l’aube d’une nouvelle ère

Des hôtels de gamme intermédiaire sont aussi touchés par ce rouleau compresseur, comme ceux que possédait, à Méribel, la famille Chardonnet. Né en 1962, Gilles Chardonnet a construit l’hôtel Alba en 1988 – un grand bâtiment en bois style chalet – sur une parcelle acquise par son père. « C’était juste avant les JO de 1992, la mairie donnait certaines facilités. » Avec sa femme, il a fait tourner pendant plus de trente ans cette affaire de vingt-cinq chambres, un deux-étoiles avec demi-pension, à prix corrects pour la station. L’établissement, ouvert seulement l’hiver, « marchait très bien », nous dit-il.

« A l’approche de la retraite, je me suis dit que je voulais transmettre à mes enfants. » Mais le terrain avait pris tellement de valeur que cette succession était trop coûteuse. « C’était plus simple de vendre. » Un promoteur, Rising Stone, était aux aguets : la vente de l’Alba – ou plutôt, des droits à construire associés au terrain – s’est soldée en 2022 pour un prix qui a dépassé les 10 millions d’euros. L’ancien hôtel a été démoli, un nouvel édifice est en construction. Il accueillera vingt appartements, livrés en 2025, proposés à la vente autour de 30 000 euros le mètre carré. Cinq sont encore disponibles, tout le reste est déjà parti. Juste à côté, L’Orée du bois, l’hôtel trois étoiles de quarante chambres géré par son frère Claude Chardonnet, a suivi la même trajectoire. Racheté par le même promoteur, il a été démoli il y a deux ans, et a laissé la place à des appartements de luxe, le Village de l’Orée. Certains sont ouverts à la location – en mars, on peut séjourner dans l’un d’entre eux pour 20 000 euros la semaine.
Des investissements énormes

Dans les stations de ski, cette montée en gamme est indissociable d’un autre phénomène : l’effritement du modèle des résidences des années 1960 et 1970, au cœur des « plans neige » lancés par l’Etat. Ces appartements étaient autrefois commercialisés par des gestionnaires de type Pierre & Vacances. Au fil des ans, ils sont retournés dans les mains de leurs propriétaires, qui ne souhaitent plus les louer. D’autant que ces logements ne conviennent plus toujours aux standards actuels : trop petits, mal isolés, pas rénovés… Ils deviennent ainsi des « lits froids », occupés moins de quatre semaines par an.

Or, les stations ont besoin d’avoir un certain volume de skieurs pour fonctionner : c’est ce qui explique aussi qu’elles ont continué à délivrer des permis de construire à foison. « En Tarentaise, on a construit des milliers de nouveaux lits en vingt ans. Et presque tout ce qui sort de terre, c’est du haut de gamme », commente Guillaume Desmurs, fondateur du think tank Lama Project, spécialiste de la montagne.

A cette spirale s’ajoutent les logiques propres aux opérateurs des remontées mécaniques, qui sont, en France, des services publics. Ceux-ci effectuent des investissements énormes – environ 7 millions d’euros pour un télésiège, et jusqu’à 135 millions d’euros pour le futur téléphérique des Deux-Alpes – pour offrir les meilleures prestations, dans le cadre d’une concurrence entre stations pour attirer les skieurs. « Et ils font face à des coûts croissants pour couvrir le domaine avec de plus en plus de neige artificielle, car, avec le changement climatique, la neige est moins stable. A cela, il faut ajouter, depuis deux ans, la flambée des coûts de l’énergie », explique l’enseignant-chercheur Vincent Vlès. Tout cela alors que, globalement, le nombre de forfaits vendus baisse lentement depuis 2010. Résultat : leur prix flambe. Cet hiver, un passe « 6 jours » sur le domaine de Tignes-Val-d’Isère coûte 396 euros par adulte. Il y a dix ans, c’était 252 euros, soit une hausse de 57 % (l’inflation est à + 16 % sur cette période).
Point de bascule

« La montée en gamme, c’est l’idée qu’il faut de plus en plus de clients fortunés pour compenser les coûts croissants de fonctionnement de l’ensemble du système », résume Guillaume Desmurs. Alors que l’ensemble du système est mis sous pression par le changement climatique, divers signaux indiquent que le modèle pourrait arriver bientôt à un point de bascule. De plus en plus de maires, comme celui de Bourg-Saint-Maurice-Les Arcs (Savoie), mettent un coup d’arrêt aux constructions touristiques, et décident de faire de la rénovation leur priorité – même si ces opérations se heurtent à de multiples obstacles. A l’été 2023, le schéma de développement de la Maurienne (les Sybelles, Albiez-Montrond…), en Savoie, qui prévoyait 22 000 constructions touristiques, a été retoqué par la justice administrative.
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Cette spirale se heurte aussi, de plus en plus, aux difficultés rencontrées par la population locale pour se loger. Juste pour la saison d’hiver, le groupe La Folie douce, auquel appartient Cucucina, dépense 1,4 million d’euros en loyers pour héberger ses 160 saisonniers à Val-d’Isère. « Entre avant et après le Covid, le prix des locations a quasiment doublé. Et impossible de recruter sans fournir un logement », explique Corinne Reversade, la directrice de La Folie douce. « C’est aujourd’hui une vraie question pour notre avenir. »

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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par miamivince » 06 févr. 2024 19:50

J'allais justement poster le même article du Monde.

Cela fait parfaitement écho aux discussions que nous avons eues cet automne au sujet de l'augmentation des tarifs.
Nous évoquions ce repositionnement vers une clientèle aisée, et pas seulement dans l'industrie du ski mais dans toute l'industrie du loisir (musées, parcs de loisirs, concerts).
La palme revient aux JO de Paris 2024.
Tiré au sort rapidement pour accéder à la billetterie, j'ai immédiatement rendu les armes en découvrant des tarifs prohibitifs auxquels j'avais le privilège d'avoir pu accéder (ex: Gymnastique 1 agrès à partir de 430€, athlétisme à partir de 650€, cérémonie d'ouverture à partir de 2300€). L'esprit olympique, l'universalisme en somme. Mais tout sera vendu.

Côté parcs de loisirs Disneyland Paris par exemple vend désormais des billets journées qui peuvent monter jusqu'à 130€ par adulte selon la période. Le même tarif haute saison était à 70€ max il y a 10 ans.
A Paris l'historique parc d'attraction populaire de la ville de Paris "le Jardin de l'Acclimatation" niché au cœur du bois de Boulogne est passé sous concession de LVMH et de la Compagnie des Alpes. Des travaux importants ont certes été entrepris. J'y suis passé pas plus tard que dimanche profitant d'une entrée offerte avec la visite du musée de la fondation Louis Vuitton. Un tour de manège pour les enfants 9€ par enfant (en plus de l'entrée). Mais pas de problème la clientèle est là.

Pour en revenir à nos villages et stations de montagne, je pense que le mouvement ne va faire que s'accentuer malheureusement pendant encore quelques années... jusqu'à la grosse gueule de bois quand la réalité climatique aura rattrapé les stations qui n 'auront pas vraiment anticipé.
C'est une véritable pyramide de Ponzi dans laquelle il faut savoir sortir avec ses billes avant la chute qui est inexorable. C'est ce que le rapport de la cour des comptes dit en filigrane. Si des investisseurs privés pourront espérer sortir à temps (au détriment de ceux qui auront repris leur place trop tard) avant que leur investissement ne passe dans la catégorie des produits toxiques, les communes et collectivités n'auront pas cette possibilité. Les modèles économiques de certaines sont hors sol, s'appuyant sur des modèles d'endettement qui vont bien au-delà des échéances et probables points de bascule climatiques.

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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par hakan_cheronsen » 14 févr. 2024 13:42

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/ar ... 55770.html


Stations en manque de neige : dans les Alpes et les Pyrénées, une surface neigeuse exceptionnellement basse

Dans les Alpes, seules les hautes altitudes ont conservé les bénéfices d’un hiver pluvieux. Faute de précipitations, la situation est critique dans les Pyrénées.

Par Romain Imbach

En ce début des vacances d’hiver pour la première zone scolaire, l’enneigement des massifs français est au plus bas. L’observation des Alpes et des Pyrénées par le satellite Terra de la NASA montre que la surface recouverte par la neige est parmi les plus faibles des dernières décennies.
Dans les Alpes, une surface enneigée au plus bas

Moins de 50 % de la surface du massif alpin était recouverte de neige au 3 février, soit 72 351 kilomètres carrés (km2). A cette date, la surface médiane enneigée des trente dernières années recouvrait 114 080 km2, soit 72 % du massif. Sur le domaine alpin du bassin versant du Rhône, qui s’étend sur les Alpes françaises et une partie des Alpes suisses, on observe un déficit de surfaces enneigées de plus de 40 % par rapport à la valeur médiane.

Le phénomène est encore exacerbé dans les Pyrénées. Le massif connaît un déficit de 70 % de sa couverture neigeuse par rapport à la surface médiane des vingt dernières années. Au 3 février, seuls 3 935 km2 du massif sont ainsi couverts de neige, contre une valeur médiane de 13 087 km2 à la même date.
Dans les Pyrénées, la couverture neigeuse la plus restreinte depuis vingt ans

Si les deux massifs montagneux souffrent de la même raréfaction de la surface « blanche », leurs situations sont en revanche très divergentes concernant l’épaisseur de ce manteau neigeux.

Dans les Alpes, en étudiant l’équivalent en eau de la couverture neigeuse, qui reflète la masse de neige, on découvre que cet indicateur est plus haut que la normale. Au 1er février, dernières données disponibles, l’épaisseur de neige représente l’équivalent de 8 800 millions de tonnes d’eau, soit 15 % de plus que la valeur médiane.
Dans les Alpes, une quantité de neige tout de même importante



Pour Simon Gascoin, chercheur au CNRS attaché au centre d’études spatiales de la biosphère, à Toulouse, cette situation paradoxale d’un excédent en eau malgré une surface enneigée au plus bas dans les Alpes s’explique « par de fortes précipitations au début de l’hiver, et une fonte très rapide à moyenne altitude. (…) On se retrouve face à une très faible surface enneigée avec un cumul très important de neige à haute altitude ».

Dans les Pyrénées, en revanche, à la fois la surface et l’épaisseur du manteau neigeux sont au plus bas, en raison du déficit pluviométrique chronique qui touche cette zone géographique.
Les Pyrénées sous forte pression hydrique



Un récent rapport de la Cour des comptes sur l’adaptation des stations de ski face au changement climatique déplore un modèle économique qui s’essouffle car il est « durablement affecté par le changement climatique depuis le début du XXIe siècle ».
Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Pour la Cour des comptes, les stations de ski n’ont pas suffisamment pris la mesure du changement climatique

Dans ce contexte, la Cour des comptes met en garde contre la principale stratégie d’adaptation des stations, la production de neige artificielle, qui nécessite d’importants investissements, de l’énergie et un fort impact sur la ressource en eau qui « apparaît sous-estimé dans de nombreux territoires », d’autant que son efficacité « tend à se réduire avec la hausse des températures ».

Romain Imbach

Greg
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Re: Débats autour de l'industrie touristique montagnarde

Message par Greg » 18 févr. 2024 11:58

miamivince a écrit :
06 févr. 2024 19:50

Cela fait parfaitement écho aux discussions que nous avons eues cet automne au sujet de l'augmentation des tarifs.
Nous évoquions ce repositionnement vers une clientèle aisée, et pas seulement dans l'industrie du ski mais dans toute l'industrie du loisir (musées, parcs de loisirs, concerts).
Exactement, le modèle de la montagne est mis en avant que trop facilement car "visible" et facilement pointer du doigt avec les langues de neige sur les pistes en ce moment ou certains aménagements.

Mais aujourd'hui, quel modèle n'est pas remis en cause ? Utiliser le réchauffement climatique est un mauvais angle d'attaque même si il ne faut pas le mettre de côté.
C'est la société en général où l'on doit transformer nos habitudes, revenir à des choses simples et à l'essentiel.
L'exemple des droits de succession est un véritable fléau pour les hôtels familiaux, pour les successeurs c'est impossible à suivre et l'état doit s'emparer du sujet pour recréer des affaires familiales et locales !

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