De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Ici on parle montagne, et c'est aussi là que vous pouvez présenter vos sorties, également en dehors du Grand-Massif.

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De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par skals » 26 mars 2012 19:28

Salut tout le monde,

J'ai donné quelques nouvelles pas très fraîches dans la rubrique "Bistrot" destinée aux membres du Forum, mais voilà qu'entre temps j'ai créé un blog, à l'adresse:
www.italindia.org

Cette affaire m'a pris pas mal de temps, mais à l'avenir je tenterai d'agrémenter ici avec des récits de course plus complets que sur le blog, parce que ça n'intéresse pas forcément tout le monde non plus ;).

De la montagne il est déjà question sur mes deux ou trois posts, et ce sera encore le cas par la suite, ne vous en faites pas. Mais il y a aussi tant d'autres choses, forcément.

A tout bientôt, et profitez bien de cette fin de saison qui s'annonce pas mal si j'ai bien compris :)

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par Dom (klashkabob) » 26 mars 2012 19:36

cette fin de saison
:?:

c'est le début de la saison de ski de printemps, qui se terminera vers la mi-juin, (et y en a qui sont capables de faire mieux - pire ? )

ton blog est bien entendu dans les favoris, et je ne peux m'empêcher de te reprendre une photo :

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par freerider74 » 26 mars 2012 19:48

... photo qui m'a aussi marquée !

Merci pour ce blog.

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par skals » 18 avr. 2012 18:11

Un billetconsacré plus spécifiquement à la montagne, mais qui fait aussi état de tout le reste ;)

La montagne la vraie approche à grands pas, mais pour l'instant je profite pour m'en mettre pleins les mirettes de tous ces gens et de toutes ces villes qui se trouvent sur ma route.

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par verchaix » 19 avr. 2012 07:23

Merci beaucoup de nous faire partager votre aventure, votre récit est très plaisant à lire.
Sans carte et sans matériel, les montagnes se montrent plus rebelles.
Prenez soin de vous quand même.

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par skals » 12 mai 2012 19:35

Bien le bonjour !

Un long, très long compte-rendu qui a davantage sa place ici que sur le blog, vous allez vite comprendre pourquoi. Pour celles et ceux qui auraient l’intention de lire jusqu’au terme, autant vous installer confortablement. C’est plutôt pour demain dimanche que pour une pause au boulot, à moins d’avoir un-e supérieur-e très conciliant-e ;) Je pense que ça vaut le détour, c’est tout frais dans ma mémoire et par conséquent « comme si vous y étiez » ;)

Jeudi 10, je me taille de Tbilissi en laissant quelques affaires à l’auberge de jeunesse. Métro Rustaveli – Didube puis « marshrutka » (« furgons » albanais, si vous me suivez ;)) directionKazbegi, à 150km de la capitale géorgienne. Mais surtout, à 1700m d’altitude, vraiment au milieu de nulle part, dans un paysage absolument grandiose :
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Ambiance ambiance, ce sont des 4000 qui m’entourent !

J’ai fait le plein de nourriture pour trois voire quatre jours. Ça pèse parce que c’est pas lyophilisé, et qu’il y a aussi le sac couchage et le matos de bivouac. Par contre pas de tente (on va essayer sans !), et surtout pas de matériel d’alpi ni de ski. Dommage. A Tbilissi on me dit que je pourrai peut-être louer à Kazbegi, mais sur place c’est le désert complet : hormis le « déjà vieux règne de l’électricité » on vit ici comme il y a 100 ans ! Enfin ce qui est sûr c'est que rien n'a changé depuis la création de la fameuse route militaire qui relie la Géorgie à la Russie et qui passe par ici.

Premier objectif rejoindre le monastère et l’église de la Trinité qui trône là-haut, à 2100m :
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On donne une heure et demie à deux heures pour les atteindre, je n'en mettrai qu’une petite malgré le fait de ne pas avoir trouvé le chemin qui monte « dré dans l’pentu » et le poids du sac. Faut croire que j'ai des fourmis dans les jambes!
La source sacrée à côté de l’église aussi appelée « Tsminda Samebis », désaltérante à souhait et bien utile, surtout au retour (voilà qui n'est pas sans me rappeler quelque chose du côté du Criou!)!
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Je lève les yeux, tout est grand tout est beau et « y’a plus qu’à » suivre cette ancienne et immense moraine "Gudauri" je crois qu'elle s'appelle jusqu’au col de Jvari, tout près de la neige, dans l’ombre, sur la gauche à l'arrière-plan:
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De là, trouver un endroit pour passer la nuit si possible à l'abri parce que la météo est vraiment incertaine.

Une fois au col, l’étendue du chemin qu’il me reste à parcourir pour atteindre le glacier…
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Je tente d’avancer un peu pour voir mais c’est peine perdue : après 10 mètres à peine dans la neige, tchak !, je m’enfonce jusqu’à la taille. Neige pourrie revenue sur une bonne partie du manteau : c'est dire qu'il il a fait bon chaud aujourd’hui !

Un panneau indique qu’en gros c’est à partir d’ici qu’on entre dans le domaine de la haute montagne, avec les dangers qui lui sont inhérents. Moi ce que je constate c’est que comme partout ailleurs, le front du glacier a bien reculé ces dernières années et que le plancher reste bien celui des vaches pour un bon moment encore!
Comme la météo craint vraiment (je me suis pris de la pluie-neige en montant), je ne descends pas la moraine mais préfère rebrousser un peu chemin au cas où je devais battre en retraite au beau milieu de la nuit. En plus, j’avais repéré une source de flotte pour ma petite cuisine ;-) Deux points encore : la volonté de ne pas dormir trop haut pour m’acclimater tranquille et gagner un ou deux degrés celsius !
Le soir tombe sur mon camp de fortune (pas d’abri). C’est beau mais c’est toujours fluctuant :
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Pendant la nuit ça ne rate pas : quelques gouttes commencent à tomber… puis un peu plus. Dans mon sac couchage je fais le dos rond, mais rien à faire je prends l’eau. Heureusement pas trop. Juste de quoi rafraîchir à quelques 2800m d’altitude quoi ! J’y pense puis j’oublie, me rendors à moitié. Vient finalement l’aube et je sors la tête de l’eau au bon moment pour attraper ce pourquoi on monte faire des trucs comme ça :
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Elle est zoomée x2 parce que pas du tout réveillé j’ai un peu mis le doigt sur l’objectif :lol:
[En redescendant le lendemain, un Anglais qui regardait mes photos me dit : « Don’t ever delete this one ! ». T’inquiète mec. Même si le cliché a été pris à 6h40 et que c’était peut-être encore plus beau dans les 30mn qui précédaient. Par contre, c’est toutes mes photos des deux jours précédents passés à Tbilissi qui ont fait les frais de mes manip' aléatoires :cry: :twisted: ]

Ok, de l’eau pour faire du thé… mais pourquoi je n’entends plus le ruisseau juste à côté ? Gelé! Mon petit confort en prend un coup, en revanche le bon regel est un point supplémentaire en ma faveur pour franchir le Gergeti glacier » qui me sépare de la station météo / refuge (3700m) et va m'assurer une progression sur neige des plus efficaces.
Un peu plus tard je lève le camp, tout en m’apercevant que la météo ne l’a pas choisi, elle, son camp :
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En espérant que ces espèces de lenticulaires ne sont pas annonciateurs des mêmes désagréments que par chez nous !
Heureusement il n’en est rien, et si le temps n’est pas au beau fixe, il me laisse tout de même enfin apercevoir la bête :
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Le Kazbek! Pas 3000, ni 4000, mais 5033 mètres d’altitude, youhouhou !

Pour cette ascension je n’ai toujours pas de carte, en revanche les notes que j’ai relevées d’un compte-rendu datant de 2008 ou 9 sur summitpost concordent : quand on vient buter sur le rocher en rive gauche, on traverse alors le glacier à l’horizontal, le plus à plat possible, puis on se dirige en direction de la station météo qui se trouve au-dessus d’une moraine.
Je vous cache pas que même si toutes les conditions étaient réunies (tôt le matin, neige ferme voire dure, glacier plat, bien bouché, semblant débonnaire etc.), j’ai retenu mon souffle et marché sur des œufs au moment de le traverser. Cela dit, je voyais bien les lignes de fractures, les crevasses type Mer de Glace ou Bassin d’Argentière qui doivent apparaître en été. Au final, aucun souci, juste la sortie en rive gauche qui m’a tendu un peu,
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Mais vraiment rien de méchant, et surtout, toute cette beauté que je n’avais plus parcourue depuis presque deux ans !
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Eh oui, l’année passée avait davantage été dévolue à la grimpe, la météo moisie aidant aussi à cela. But, well I’m back, et c’est tellement magique.

Rude montée en direction du navire amiral :
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Étonnant bâtiment.
Première fois que je sens un peu l’altitude mais bon, c’est surtout que je sentais l’écurie comme qui dirait ; il suffit d’aller un peu plus tranquillement.
A ma grande surprise la porte est grande ouverte :
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A l’intérieur, deux ours qui me toisent un peu. Ce sont David et Yelevan, ou quelque chose comme ça. Le premier est de la vallée entre Kazbegi et Tbilissi, il s’avérera qu’il saura deux ou trois mots d’anglais. Ça tombe bien, je sais deux ou trois mots de russe. J’ai vite arrêté le géorgien après les deux premiers mots :
-bonjour : gamardjoba
-merci : gmadlobth
C’est retranscrit à partir de leur alphabet juste improbable, mais bon qu’est-ce que tu veux faire avec un langage pareil ?!?
Et donc le second gaillard qui vient de Kazbegi même, LA réserve d’Indiens par excellence, ça promet.
Petite embrouille sur le prix de la nuit : j’ai oublié d’amener du casha vec moi parce que je m’attendais vraiment à bivouaquer ou à un refuge non gardienné. Dans mon optique de passer deux nuits ici (sommet le lendemain, retour et traversée du glacier le surlendemain au matin, toujours pour les raisons susmentionnées), je n’ai pas les 25 lari géorgiens requis. Je me contente donc de 10 lari pour passer la nuit dehors, mais c’est clair que vu les températures, même si David m’a serré la main quand il a su que j’ai passé la dernière nuit dehors, le gars m’a regardé un peu bizarre.
Comme il n’y a qu’une pièce chauffée (la leur, le reste du bâtiment est à l’abandon depuis que les Russes ne sont plus là), il est clair que je tente un maximum de m’imposer, tout en gardant mes distances pour ne pas perturber leur travail. Je sais pas moi, z’ont peut-être à faire avec cette station météo ! Petit tour à l’extérieur pour « creuser ma tombe », c’est-à-dire resserrer les pierres prévues pour protéger une tente du vent. Quand je reviens, les gus sont toujours à tenter de rentrer mon inscription sur leur fichier informatisé. Appel à Kazbegi ou ailleurs parce que ça ne marche pas, registre qui prend le café qu’ils se sont préparés… bref, David décroche et on commence à bien se marrer pendant que Yelevan persiste. J’ai l’impression qu’ils ont de tout pour se faire de bons petits plats mais peut-être pas de chocolat, que je sors… ça nous permet de briser la glace, de « parler » (de baragouiner) autour du Cervin, du Toblerone, de la Suisse, etc. Ok les mecs se détendent, se marrent avec mon nom de famille imprononçable ou que j’aille comme d’hab’ (et ici, plus de Pascal ? Pascal Nouma ! comme en Turquie ;-)), sortent du fromage, du pain et des fruits secs pour eux, mais aussi pour moi. Et de m’inviter à leur table. Bien sûr faut arroser ça, alors on sort la brique de 5L de vin d’ici. Je précise tout de suite qu’il était pas mal du tout ce pinard, Géorgie berceau du vin oblige ! ça n’empêche pas mes gaillards de s’envoyer le godet de 1,5 – 2dl cul sec, ce dont je m’abstiens. Je me souviens que trop bien de cette nuit à Tête Rousse à ne pas fermer l’œil de la nuit, notamment à cause des verres qu’on s’était servis avec Greg tout l’après-midi ;-)
Il doit être 14h. Bois pour le feu, sieste. Je suis sur un banc d’1m20 de long et 30 cm de large3 mais ça passe tellement bien ! L’un après l’autre Yelevan et David se réveillent, je me dis qu’il va y avoir du boulot, peut-être aussi pour moi. Mais en fait, rien, l’aprèm’ s’écoule à regarder l’évolution de la météo, à grignoter les trucs sur la table et à fumer des clopes (pas pour moi, pour une fois je me retiens !). Cette fois c’est sûr, ils m’ont adopté : Yelevan prépare une tambouille et David m’ordonne de me mettre à table. Je ne me fais pas prier, il va s’avérer que la soupe aux nouilles sera succulente. Je ne veux pas boire de vin mais David m’assure que c’est bon pour ma circulation, ma force et au diable l’acclimatation. « Don’t worry, good sleep ! » :lol: David annonce qu’on porte le toast à Yelevan, Yelevan à moi, et par conséquent moi à nous trois. « Now we are friends » m’annonce David, et surtout « Tonight, no sleep outdoor, room for you. » Ahhh ouais c’est ça qu’est bon !
Surtout que pendant ce temps il s’est mis à neiger, un peu. Je suis cassé et je vais me coucher sur les 21h. Les gars m’ont dit que le second glacier à traverser était moins sain, ce à quoi je m’attendais. Ils m’ont expliqué par des gestes qu’il faut contourner une grande zone de crevasses par le S. Maintenant que je suis tranquille à réfléchir, il est bien clair dans ma tête qu’il y a 90% de chance pour que je renonce à mon entreprise. Dommage, parce que la nuit se passe assez correctement, eu égard à l’altitude (jamais dormi aussi haut !). A 4h je vais pisser dehors et en profite pour jeter un œil, c’est l’heure à laquelle j’avais mis le réveil au cas où… C’en est fait de mes ambitions : il y a 5 à 10 cm de neige fraîche qui recouvre le sol. Je me recouche et c’est ça de repris sur la dure journée de la veille (quand même des frissons pendant 24h après cette sacrée nuit dehors !). Sur le coup des 7h, le paysage est juste une merveille :
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Le Kazbek se découvre même, pour laisser apparaître son merveilleux couloir SE :
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50° sur le haut voire 55° en rive droite, un bon E3 je dirais, je pense qu’on peut donner 5.3, skié à quelques reprises seulement ! Et j’en remets une petit prise plus tard pour bien comprendre de quoi on parle :
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Pfff, là le moral en berne, mais enfin bon, j’ai déjà expliqué ailleurs qu’on ne peut pas tout faire. Surtout là, sans compagnon de route (désespérément personne à l’horizon), sans matériel adéquat etc. D’ailleurs, la raison me rattrape et j’envisage de redescendre un jour plus tôt que prévu. De toute façon je peux oublier le Kazbek maintenant, et il y a cette opportunité de redescendre dans de saines conditions qui se présente.
Il me manque une photo de mes deux gardiens. Le problème, c’est que Yelevan est en hibernation, et que David l’a mauvaise ce matin, mal aux bronches. Me demande si j’ai de la médecine, il dévore le contenant de ma mini-trousse de survie dans laquelle… il n’y a rien pour son mal. Pour ne pas le décevoir, je lui file quelques Dafalgan 1000, en lui expliquant que c’est tout d’abord pour la tête mais pour l’état général aussi, et que ça va surtout pas le tuer, vu comme il est fait. Pis bon ça me fait marrer de savoir qu’il va planer un peu avec autre chose que son vin ;-)
Mise en route vers 8h15, à 9h je suis déjà de l’autre côté du glacier :
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Où l’on voit que j’enfonce bien davantage que la veille mais c’est uniquement la couche compactée de la nuit, pas de souci.
Le temps de faire la photo souvenir que déjà ça s’est recouvert !
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Rhaa, ces futs auront fait le Mont-Rose (ou presque), 4600m, le Mont-Blanc, 4800m, mais n’auront pas franchi la barrière des 5000m et ne la franchiront certainement jamais, vu leur état ;-) Regrets, je n’irai pas faire un tour en Ossétie du Nord (le Kazbek fait frontière avec la Russie) . J’avais vraiment la caisse et sans le poids du sac des deux derniers jours, je pense que ç’aurait été relativement aisé. Cela dit je relativise aussi pas mal ; toujours aussi content de ces entreprises tentées sans aides extérieures, sans agences de voyage à la mords-moi et autre guide qui te tire jusqu’en haut que tu sois blême voire livide. Je me dis : l’important, c’est que tu es là, à contempler tout ça, et que le voyage est toujours devant toi, et qu’il va durer toute une vie, avec de nombreuses autres montagnes à découvrir.


Ok je ne me retourne plus, toute façon y’a plus rien à voir, et il se remet à neigeoter. Suivre la trace de montée dans la neige ça va pas le faire : cette nouvelle couche a pourri le manteau et j’enfonce désormais souvent jusqu’à la taille. Feu pour le système moranique sur ma gauche, j’avais aussi lui que c’était une possibilité. Effectivement je trouve des cairns… ainsi que des tas d’éboulis instables, quand même pas tout à fait sorti du glacier. La procession est ingrate car plus lente, mais en même temps c’est un terrain que j’adore, qui m’avait aussi pas mal manqué. Ambiance quand le terrain devient plus abrupte, dans une belle purée de pois !
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Pour éviter la neige je prends un peu au hasard, puis retrouve le droit chemin ;)
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L’immense moraine qui me sépare du monde habité est là devant, et je me dis que je suis pas sorti de l’auberge ! D’autant que je vais la gravir bien à gauche pour éviter la neige, ce qui me coûtera un demi poumon :lol:

Avant cet épisode un autre bien singulier : il me semble distinguer une forme humaine s’affairant dans l’herbe, un peu plus loin. Et c’est bien le cas, c’est un mec qui boucle sa tente.
-Hey !
-Hello !
[‘tain ça fait plaisir quand même]
-Alone ?
-Yes.
-Me too. Did you go to the summit ?
-No, because of the snow fallen this night, too much dangerous.
-Oh, and you dont‘ have…
[Et le gars de me montrer ces lattes, que je n’avais pas encore vues, un peu plus loin dans l’herbe. Minimalistes, mais des lattes quoi !]
-Oh, so lucky you are !
-Where are you from?
-Switzerland. And you?
-Georgia. So you’re used to ski.
-Of course, at home I’m doing skitouring every week! [Arghhh]
-But here it’s the best for skiing.
-…
-So, good luck!
-You too, take care!

Et là je me dis, je suis un petit joueur ou quoi? Mais en fait non, c’est juste lui qui doit être Géorgien :mrgreen:

Voilà voilà, Pascal qui fait joujou avec les moraines avant l’ultra-montée de l’ultra-massive et dernière moraine !
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Ça fait du bien d’être en haut ! Dernier coup d’œil en arrière :
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Le reste de la descente s’annonce bien : au lieu d’être au fond du vallon comme à l’aller, je vais prendre tout le long de la moraine et avoir cette vue magnifique sur le monastère, Kazbegi et les montagnes de folie qui le surplombent :
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C’est pas vrai y’a foule ! Croisé l’Anglais déjà évoqué plus haut qui me demande de très loin si je peux prendre une photo de lui avec la fameuse vue que voici :
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Ensuite il me demande à combien de temps est le glacier. Il n’a jamais vu de glacier, il me3 demande donc s’il peut se promener sur le glacier, avec ses baskets de ville ;). Si un glacier c’est tout en glace etc. D’où le fait que je lui prête mon appareil pour voir un peu à quoi ça ressemble.
Enfin, à la fontaine sacrée, encore un Anglais (décidément) et sa famille qui m’approchent, bête curieuse que je suis avec tout mon barda étalé autour de moi. La femme me demande si j’apprécie le lieu, pléonasme. Le gars d’où je viens et me parle de « The Portes du Soleil », La Grave, etc. Il est venu pour la première fois en Géorgie en janvier de cette année, pendant quelques jours. Ni une ni deux, c’est toute sa famille qui a déménagé avec lui pour s’installer à Tbilissi. Il ne perd pas le Nord et me tend sa carte de visite. Moi aussi je garde le cap et pendant qu’il me parle je reluque sa fille, qui m’offre du chocolat…

Retour à Kazbegi où à peine arrivé un taxi plante les freins juste à côté de moi.
-Tbilissi ?
-No.
-I know you go Tbilissi. Just « des » [10 = desyat en russe] lari, like marshrutka.
Ok, je comprends que le mec a amené des passagers ici et qu’il n’a personne pour descendre. Moi évidemment je prends, ça va juste couper en deux le temps de trajet ! Ce que je n’ai pas le temps de calculer en revanche, c’est que ce mec tient pas trop à la vie, et qu’il va dépasser tout ce qu’il voit à l’horizon avec sa vieille Mercedes, sur une route comme j’avais juste jamais vu ! Et vas-y que je croise à gauche parce que j’ai pris en premier le meilleur bout de piste, et vas-y que je dépasse alors qu’une voiture arrive en face (pas grave, on va faire en sorte qu’il y ait de la place pour trois !!
C’était clairement l’épisode le plus chaud de ces trois jours hors du temps. Faut dire que les gens ont une autre conception de la conduite que chez nous. J’ai tout de suite été mis dans le bain entre la gare routière et l’auberge de jeunesse, quelques jours avant : le chauffeur mal réveillé frôle une voiture qui venait en face sur la deux fois trois voies qui traverse la ville, jette la clope qu’il était en train de s’allumer et se signe, plutôt trois fois qu’une !

Bon, plus possible de me concentrer, la vodka coule à flot dans la salle commune et ça commence à danser de touts les côtés. A tout bientôt!

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par DJDEM » 12 mai 2012 20:07

Ça fait rêver ! Bravo à toi !

Merci pour ces images!

@+

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par djbfred » 12 mai 2012 22:12

Bravo! quel courage.

Dom (klashkabob)
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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par Dom (klashkabob) » 13 mai 2012 08:02

Merci..bon moment de lecture !

Je ne sais pas ce qui me fait le plus douter de ta santé mentale: la nuit dehors en pleine montagne dans un endroit inconnu (y a pas des vrais ours et des vrais loups dans ces montagnes ? voir encore des bêtes plus féroces ?) ou la nuit en compagnie de ces 2 types improbables dans ce refuge qui ne l'est pas moins...
:lol: :wink:

A part ça, je constate aussi que l'on a sur le forum 1 mois d'avance par rapport à ton blog..intéressant décalage spatio-temporel !

merci encore pour ce récit... épique !

prends soin de toi !

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par freerider74 » 13 mai 2012 09:01

Un sacré bon moment de lecture, merci.
Ca change de chez nous, où l'on a les moyens de tout savoir de l'itinéraire avant même d'y monter. Enfin, j'ai quand même l'impression que tout ça fut bien gérer, avec cette nuit dehors et celle dans ce soit-disant refuge - qui sert à quoi d'ailleurs ? C'est vraiment dans le même but que chez nous ou c'est plutôt un poste de surveillance de frontière :wink: ?

Ah, le local avec ses skis, ça c'est bon :mrgreen:
En plus y'a des bonnes faces autour !

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par skals » 13 mai 2012 10:00

klashkabob a écrit :Je ne sais pas ce qui me fait le plus douter de ta santé mentale: la nuit dehors en pleine montagne dans un endroit inconnu (y a pas des vrais ours et des vrais loups dans ces montagnes ? voir encore des bêtes plus féroces ?) ou la nuit en compagnie de ces 2 types improbables dans ce refuge qui ne l'est pas moins...
:lol: :wink:
C'est vrai que le dernier truc que j'ai lu avant de partir là-haut, c'était "ça ressemble à nos Alpes, les bouquetins en moins". Mais auparavant j'avais aussi lu un autre truc où le mec disait qu'il avait fait sa petite prière pour ne pas se faire repérer par des loups pendant son sommeil :!: :lol:
klashkabob a écrit :A part ça, je constate aussi que l'on a sur le forum 1 mois d'avance par rapport à ton blog..intéressant décalage spatio-temporel !
Cherche pas, c'est comme ça. Impossible de faire un truc bien linéaire. ça part dans tous les sens, mais c'est plutôt sympa non? Finalement, ça ressemble à tous ces pays que j'ai traversés ;-)
freerider74 a écrit :C'est vraiment dans le même but que chez nous ou c'est plutôt un poste de surveillance de frontière :wink: ?
ça date de l'époque soviétique. Tout le long de la route militaire il y a également d'autres constructions qui ont servi, et qui sont maintenant à l'abandon.
Comme des tunnels par exemple, maintenant tu passes à côté, par l'ancienne route. Juste le contraire du bon sens :roll:. En cherchant un peu mieux on doit trouver des explications sur cette espèce d'observatoire. Enfin pour l'aspect désuet, c'est pas nos deux loustics (plus des bisounours que des ours au final ;), c'est pas eux qui vont remettre ça en état c'est sûr!
freerider74 a écrit :En plus y'a des bonnes faces autour !
Y'a que ça ouais!!!

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par grand massif » 13 mai 2012 10:10

On a trouvé le Bear Grylls suisse !

Bonne continuation, ton récit est vraiment très dépaysant.

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par papy pat » 13 mai 2012 16:16

Monter si haut pour trouver un mini fort Boyard :shock: les temps géologiques sont vraiment étonnants et les anglais en baskets et jolie pèpette ne sont pas prêts de le prendre non plus :roll:
Tu fais bien de nous citer tous les noms :D Kazbek, drôle d'oiseau. Il paraitrait qu'il n'y a plus de loups parce qu'il ny a plus de bouquetins, ils les ont tous bouffés 8) puis sont partis, pas assez de suisses de passage :cry:
La traversée de glacier :? quand même!
C'est grandiose, c'est génial, c'est fou...enfin toi :lol:
nous on créve de chaud puis le lendemain il neige, c'est fou :o
Je vais regarder où tu étais par rapport à Sotchi et à l'escroquerie territoriale russe.

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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par skals » 14 mai 2012 08:26

En parlant de Fort Boyard, j'ai oublié de préciser que l'un des deux loustics avait le même physique que "La Boule", le mec qui sonne le gong quoi :lol:

Pour les noms d'oiseaux, ma mère qui m'écrit: "Kazbek? Casse-toi pas le bec!", j'adore!

Les loups et autres yétis du Caucase: une fille du staff de l'auberge de jeunesse nous expliquait hier que ses grands-parents ont une maison de campagne dans un autre coin de Géorgie, très reculée, à la lisière de la forêt. Et que petite, elle s'endormait avec le hurlement / la plainte des loups. Et qu'en fait, il y a pas mal d'endroits où c'est "interdit" de camper sous peine de faire une mauvaise rencontre. Les ours ne sont jamais très loin non plus!

Sotchi + escroquerie = pléonasme, aussi pour les JO. Heureusement la station est à peu près à l'extrême opposé d'où je me trouve ;) ...quoique je vais passablement m'en rapprocher une fois que je me rendrai en Haute Svanétie... Mais pour l'instant, repos, je me pose un peu à Tbilissi, qui est vraiment une ville top.
Comme partout ailleurs (Balkans, Grèce, Turquie), la tension est plus que palpable. J'en parlerai au moment d'évoquer mon passage dans ce pays fantastique.

miamivince
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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par miamivince » 14 mai 2012 08:45

Excellent ce récit. Un régal.

skals
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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par skals » 03 juil. 2012 16:30

Bonjour à toutes et à tous,

Quelques nouvelles depuis Téhéran où il ne nous reste plus que quelques jours d'attente avant l'obtention de nos visas ouzbèque et turkmène (ce dernier devrait être récupéré plus tard à Mashad).
-le pays est magnifique, que de ressources, que d'Histoire, que de richesses à découvrir!
-son peuple est d'une gentillesse infinie, son hospitalité n'est de loin pas que légendaire.
-mes problèmes de connexion à mon blog se résolvent petit à petit: ici on a toutes les combines , "il faut bien vivre" comme on dit ici. Dès lors, des news de la Géorgie, du Kurdistan turc et de l'Iran certainement plus vite que prévu ;)

Enfin ci-dessous, le récit d'un nouveau périple, mon excursion au Damavand, le volcan qui culmine à 5671m au nord-est de Téhéran. [ça va être assez brut de décoffrage, je n'ai plus le temps de relire et je ne suis pas sur mon blog, je peux donc me permettre certains écarts ;) Je teste aussi un nouveau format photo mais si ça fout trop le bronx chez vous je change]

Après avoir été retardé de deux jours par des formalités administratives (visas, toujours visas, quelle claque!), c'est mercredi 27 juin dans l'après-midi que je quitte le tumulte de la capitale. Le proprio de l'hôtel m'aide à m'extraire de la tentaculaire cité par les moyens de transports suivants: métro puis "Bus Rapid Transit" (BRT) jusqu'au terminal Est, ensuite bus jusqu'à un croisement sur la route qui mène à Amol, là où je dois prendre un taxi pour rejoindre le camp de base du Damavand, à Polour, 2000 mètres d'altitude. Évidemment ça ne se passe pas comme prévu parce que je ne suis déjà pas sûr de l'emplacement de la première station de métro. Je me renseigne auprès d'un mec qui rentre du boulot et celui-ci me prend direct en charge: nous quitterons le métro seulement une station après y être descendu, prenons un taxi qu'il me paie (dans ces cas-là vous avez beau essayé de négocier pour payer au moins votre part, il n'y a rien à faire!), montons dans sa propre voiture grâce à laquelle il m'amène au BRT où il tombe pile sur un type qui se rend à Polour et lui demande alors d'être mon ange gardien. Re-couac: j'ai oublié mon APN à l'hôtel! Cette fois je ne peux plus me permettre de traverser la ville cahin-caha et c'est en taxi que je fais machine arrière... toujours accompagné du type du BRT qui tient à rester avec moi, "parce que maintenant nous sommes amis" etc. Il fait arrêter le taxi et va chercher des clopes et des bières (sans alcool of course). Les clopes non merci cette fois il faut vraiment que je fasse les choses juste si je veux monter au sommet mais la bière volontiers, il faut une chaleur torride en cette fin d'après-midi et je suis assoiffé! Revers de la médaille, il rentre sur Polour avec la voiture neuve d'un pote à lui et insiste pour que j'y monte plutôt que de prendre le bus. Pour la peine je vais lâcher 300000 rials au lieu du prix dérisoire du bus.. Mais bon, "300000 dollars" comme on s'amuse à dire ici ça ne fait même pas 15 dollars pour 2h de trajet et une dépose directement à Polour!

A Polour, la bifurcation pour le Damavand ainsi marquée:
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Il est déjà 19h30 quand j'achète de quoi "survivre" ;) quelques jours dans les parages.
En arrivant ici, je n'avais pas encore fait ma religion quant à l'itinéraire que j'emprunterai . Mais après le rodéo autoroutier dans les montagnes, sachant que du camp de base on vous emmène en 4x4 au camp II à 3000m pour vous faire payer une nouvelle nuit en gîte à 4000m sans oublier le forfait à 50$ pour les étrangers si on reste sur la voie normale plein sud, ma décision est prise: j'ai besoin d'authenticité et de solitude et j'aimerais bien crier à tout le monde que la montagne doit être libre. Et puis je ne porte pas mon sac couchage et mon matos de cuisine pour rien hein :lol:

A peine sorti de Polour je bifurque donc dans une gorge d'où jaillit l'eau qui descend de tous les sommets alentour, histoire aussi de ne pas trop me faire repérer:
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Comme au fond de la gorge, il y a une magnifique faille qui cisaille en deux la montagne, j'ai un peu peur d'être confronté à la séparation des eaux du Jourdain, du moins de ne pas être du bon côté de la vallée pour l'approche du lendemain, mais enfin il est trop tard pour y penser. Il fait déjà presque nuit et il faut que je me trouve rapidement un coin pour le bivouac. ça monte, ça monte, et au final je me poserai sur la cime qui domine Polour, à environ 2500m, avec vue sur le Damavand (pris dans les nuages), et je me dis que cette première grimpette et l'altitude de cette première nuit ne peuvent être que bénéfiques pour ma forme qu'il s'agit de retrouver et pour mon acclimatation qui devra être rapide.

Le lendemain 5h30, vue démentielle sur le Damavand au soleil levant:
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J'avais lu le récit de course d'un gars qui avait pris l'arête sud-est (pas visible ici) pour contourner la sud et son impôt, mais là c'est sûr, c'est la ouest qui me fait de l'oeil. En plus j'avais également lu qu'on y assistait à de superbes couchers de soleil. Par conséquent c'est les matins qui doivent être un peu difficile, mais ma décision est prise.

Un sacré morceau, que je ne suis pas près d'atteindre me dis-je. En plus ça craint un max parce que j'ai effectivement un bon 400m de déniv' négatif à me taper d'emblée, vu mes bêtises de la veille:
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6h et quelques quand je lève le camp pour cette descente infernale, qui passe tout juste tout juste! Il y a un petit aire de Terres Maudites (en moins raide faut pas exagérer):
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Je vous garantie que ce genre de désescalade, ça réveille!

D'un peu de désespoir je passe à de l'enthousiasme en m’apercevant que les jambes et le souffle sont là. J'ai peut-être pas beaucoup dormi ces derniers temps, mais l'interdiction de l'alcool est un bienfait pour l'occasion ;) De fil en aiguille, de la route pour le camp II croisée il y a maintenant longtemps à un village observé en le contournant par de vastes collines, d'un paysage sculpté par le volcan...
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au fond de vallons humidifiés par l'eau des névés perchés plus haut, j'arrive jusque dans cette vaste parabole d'où émerge l'arête ouest du Damavand:
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Je me dis qu'il serait bon de bivouaquer sur le petit replat entre le deuxième et le troisième névé.
Seulement, l'eau est une denrée précieuse ici et je préfère rester aux abords du ruisseau plutôt que sur l'aride arête.
Dans le chaos de la roche basaltique, j'aperçois même plus que de la vie uniquement minérale ou végétale:
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En fait, les flancs du volcan s'avèreront être habités ça et là par des bergers et leurs troupeaux, innombrables et qui se confondent avec les formations étranges des paysages que je traverse.

J'arrive tranquillement dans le vif du sujet, mon replat sur l'arête se rapproche, le paysage devient grandiose:
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J'abandonne l'idée de bivouaquer sur l'arête car le vent forcit à partir d'ici. Je commence aussi à sentir le poids du sac et l'accumulation des efforts. Mon problème est qu'ici tout est en pente et que je n'ai encore croisé aucun emplacement de bivouac. Pause, c'est pas le moment de baliser. Je scrute et me dit qu'en tirant peut-être encore un peu, je devrais trouver un replat sur une de ces sortes d'immenses moraines qui descendent nonchalamment le long du cône du volcan.
Arrivé au point en question, j'ai tout juste et n'ai plus qu'à consolider le flanc sud de mon petit abri où vient taper un vent foehnique mais qui ne saurait rester à pareille température la nuit durant:
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En effet et en dépit des apparences (ne pas oublier que 2000/2500 mètres plus bas sur les hauts de Téhéran, il fait largement plus de 30° pendent des semaines entières), j'estime mon camp de fortune à 3500 voire 4000 mètres.La nuit dernière, j'ai notamment aperçu les lumières du refuge de l'arête sud, situé à 4250m.

En quittant Téhéran je savais que la météo n'était pas au beau fixe mais je ne pouvais pas croire que cela puisse entraver mon ascension. Quelques nuages le soir venu et donc pas de couchers de soleil, mes des jeux de lumières néanmoins splendides:
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La précarité de ma situation se précise lorsque peu après l'arrivée de la nuit et du froid j'entends un chuintement sur le dessus de mon sac: je sors un bout de tête, et, aïe aïe aïe, il neige!
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Comme au Kazbek en Géorgie le sac tient globalement le coup, mais tout est bien humide et je passe la nuit à me retourner pour exposer un autre flanc de ma personne au froid mordant. Qui plus est mon matelas low cost pour lequel j'ai stupidement opté à Istanbul semble avoir rendu l'âme au contact de la roche volcanique si abrasive qui se trouve en-dessous de lui... Bref, la nuit est sans fin et je guette fréquemment l'arrivée de l'aube pour partir d'ici.

Belle caillante en émergeant du sac, c'est un nouvel univers que je découvre autour de moi, fait d'ombres et de cette nouvelle fine couche de neige. Mon réchaud veut bien me cuire mes céréales mais il n'entend plus en faire plus et me chauffer mon thé. Il va falloir y aller comme ça, avec la tisane que je m'étais préparée la veille au soir, au cas où...

Ce qui me va bien c'est que le somme semble dégagé ce matin. Confirmation un peu plus tard, alors que je monte en oblique pour trouver au plus tôt le soleil dont j'ai tant besoin pour faire disparaître ces onglées et le froid qui congèle mes pieds:
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Je traverse des contrées inertes, immenses et hostiles à souhait, hésitant maintes fois à mettre un terme à cette ascension devenue trop difficile au vu des conditions et à ma nuit sans sommeil, mais j'arrive à puiser l'énergie nécessaire pour enfin apercevoir l'arête sud, au loin, et le soleil, vraiment pâlot en réalité mais rayonnant dans mon esprit:
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Le temps s'est dégagé, j'ai passé les 5000m d'altitude et entant maintenant certaines cordées qui se trouvent sur la voie normale:
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Il m'arriver de croiser quelques nouveaux emplacements de bivouacs mais jamais un semblant de sente. De toute façon à cette altitude, tout est désormais recouvert par la neige. J'ai une peine infinie à aligner quatre pas consécutifs ou à franchir un seul obstacle plus conséquent sans que mon coeur batte à 180 et que je doive m'arrêter pour calmer la machine. Des arrêts de parfois une minute, ça ne m'était jamais arrivé. Je me fixe des objectifs plus que minimaux pour tout de même continuer à monter. Je sais qu'un peu plus haut, je pourrai juger de la situation et décider d'éventuellement mettre un terme.
Ce que je fais ici, à environ 5400 mètres je dirais:
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Ces deux-là redescendent du sommet et de la voie normale. Ils m'encourageront à continuer parce que c'est plus très loin mais je suis cassé en deux par ma petite nuit et en fait surtout par le manque d'acclimatation (petit pêché d'orgueil pour le coup, on était allé en haut du Mont-Blanc dans les mêmes conditions mais ça reste quasi 1000 mètres plus bas!). Il n'est finalement que 10h30, ça ne fait "que" 5h que je suis en route. Je pourrais donc me faire les 300 derniers mètres en deux ou trois heures, comme de nombreuses personnes le font pour atteindre le toit de l'Europe, mais le plaisir n'est plus là. Bien au contraire, je crains le Mal Aigü des Montagnes voire pire (je n'ai finalement qu'une expérience très limitée de la très haute montagne), de plus je sais qu'il est très difficile de respirer vers le sommet, à cause des nuées de souffre.
Je traverse donc sur l'ouest pour trouver une belle pente de neige et regrette amèrement de ne pas m'être trimballé quelques kilos en plus, soit une bonne paire de fats pour déchirer cette magnifique pente :lol:
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Peu après mon énorme mal de tête arrête de me taper sur le système, je peux de nouveau enchaîner sur des distances correctes, raisons pour lesquelles mon esprit malsain imagine déjà le prochain objectif, ce grand lac en fond de vallée, où je pourrai peut-être me délasser...
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On n'est pas là tous les jours, je n'oublie pas de signer :wink:
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Valse-hésitation au moment de choisir la bonne moraine pour rejoindre mon bivouac. C'est si grand et j'ai beau zoomer avec mon APN, je ne vois rien parce que les murs de mon abri cachent les couleurs fluo de mon sac couchage. C'est au feeling que je rejoins heureusement la bonne moraine!
Arrivé au campement, le volcan aura fait une victime de marque: mon sac couchage, déchiré par les petits cailloux qui se sont baladés entre mon matelas et moi durant la nuit, à force de me retourner. En haut j'étais dans les vapes et maintenant dans les plumes... Je ne m'apitoie pas trop parce que le mauvais temps revient et que je dois continuer à descendre pour être mieux physiquement. Un long névé type glacier m'aide à fuir la montagne inhospitalière:
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Plus bas en direction du lac, je retrouve des formations géologiques familières mais pour le moins inattendues ici!
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En haut, le Damavand est rentré en éruption...
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...ce qui permet à ces pavots (ou autre fleur? on me dira qu'on en extrait en tout cas pas les substances équivalentes à ce3lles de l'Afghanistan voisin ;)):
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Après bien des étendues traversées, j'atteins enfin ce lac...
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...qui n'est malheureusement qu'un mirage, ses abords étant en fait interdits au public.

Le rêve d'une nuit au bord de l'eau prend fin et c'est maintenant la soif qui me martyrise, renforcée par la poussière que j'avale sur cette vaste plaine soumise à un vent du soir féroce.
Ce songe est abandonné au profit d'un autre: celui de cette rencontre inespérée avec Zohreh et Alireza, alors que je rejoignais amèrement la route qui mène à ce lac de barrage:
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On est vendredi, (c'est notre dimanche à nous en Iran) et avec Aslaran et leur petit Radvin, ils se baladent pour la première fois dans le secteur, se sont fait chassés comme moi des abords du lac et s'apprêtent à rentrer sur Téhéran.
J'ai une bonne étoile qui vielle sur moi depuis le début de ce voyage, mais là c'est plus que ça. ça doit être l'astre solaire en personne qui a mis le mec le plus cool de la terre et cette princesse sur mon chemin. On ne se connaît évidemment ni d'Eve ni d'Adam mais non seulement ils me reconduiront gratuitement à Téhéran (alors que j'insiste pour leur laisser un petit quelque chose mais voilà), mais après 10 minutes de trajet ils m'invitent à venir vivre avec chez eux quelques jours. Encore une fois, je ne sais vraiment pas où me mettre surtout que sur le trajet du retour, ils m'ont offert de l'eau, du thé quand on s'est arrêté pour un narghilé, et que sais-je encore.

Beaucoup d'entre vous m'ont souhaité d'apprécier au maximum ce que la route aurait à m'offrir...

miamivince
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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par miamivince » 03 juil. 2012 17:42

Encore une fois, un superbe récit. je me suis régalé.

freerider74
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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par freerider74 » 03 juil. 2012 18:40

Sacrée expérience, ça commence à faire l'altitude, et pourtant ce n'est que dans les 1000m de + que les sommets qu'on a par chez nous, mais c'est vraiment le premier palier pour la très haute altitude, et ça doit bien déchirer !

Bien dommage pour ce beau lac.

Merci pour ton récit !

Dom (klashkabob)
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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par Dom (klashkabob) » 03 juil. 2012 20:14

Zohreh et Alireza
leurs prénoms sont aussi beaux que leurs sourires..de quoi définitivement faire changer d'avis sur l'Iran !

Quand à tes bivouacs roots... je ne dis rien mais n'en pense pas moins !
:wink:

semper74
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Re: De l'Italie à l'Inde: blog et récits de coursee

Message par semper74 » 04 juil. 2012 14:02

De superbes photos qui font bien rêver.....et un récit captivant, Bravo!

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