Flaine petite histoire

Tout ce que vous voulez savoir sur la station de Flaine.

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Flaine petite histoire

Message par samoens » 21 oct. 2004 20:01

F L A I N E , L ' E X C E P T I O N H A U T - S A V O Y A R D E
Posté le 10 May 2002 à 06:00:00 CEST par Michel www.alpes-actu.info/

Au début des années 50, un groupe de randonneurs genevois, les "Amis Montagnards", parcourt régulièrement le massif Arve-Giffre pour se préparer physiquement à la réalisation de la Haute-route à ski, Chamonix-Zermatt.

Au dessus du village d'Arâches, au lieu dit Flainoz, situé à environ 1600 m d'altitude, les randonneurs apprécient pour son calme le refuge de la Fédération Montagnarde Genevoise. Parmi ces assidus de l'effort, un jeune architecte, Gérard Chervaz, s'enthousiasme pour cette combe, éloignée et difficilement accessible. En 1953, il décide d'entreprendre une préetude de station de sports d'hiver. A cette époque,Val d'isére s'ouvre au ski et Courchevel se construit grâce à des fonds départementaux issus des dommages de guerre. Malgré un dossier solidement ficelé et une discrétion souhaitée par le maire d'Arâches, le projet ne séduit aucun investisseur et sommeille sur le bureau du jeune architecte.
5 années passent lorsque Gérard Chervaz organise une ultime rencontre de travail à Genève. Eric Boissonnas, venu de Paris, est présent à cette entrevue. Géophysicien de renom, il souhaite créer quelque part en France un prototype d'urbanisme, d'architecture et de style pour lequel la rentabilité immédiate serait subordonnée au choix esthétique et au respect de l'environnement. Quelque part en France... ?
Dés le lendemain, il survole le site à bord d'un Cessna avant d'entreprendre une visite des lieux, à ski et à peau de phoque. Pour Eric Boissonnas, le bonheur est au bout d'un long chemin de montagne qui lui demande de franchir le balcon des Carroz, la combe de Vernant avant de parvenir au vallon de Flainoz. Face à lui, des forêts d'épicéas et des pins aroles, des falaises de calcaire structurent un paysage à la hauteur de son ambitions : construire une ville parfaite à la montagne.
Le premier obstacle à la réalisation de Flaine se manifeste lors de l'acquisition des terrains. Eric Boissonnas se heurte à des résistances locales imprévues. Il doit notamment bousculer un statut foncier particulier, survivance de trés veilles régles d'usage collectif d'alpages attribués à des sociétaires et à leurs descendants.
Naturellement, les alpagistes réagissent avec vigeur. En mpntagne, le sentiment trés profond d'être chez soi en zone d'alpages se révèle être plus fort que la simple notion de propriété. L'identité alpine est inscrite dans le sol. A Flainoz, ce sentiment d'appartenance remonte à de très veille chartes médiévales datant de 13e siècle, une concession de Béatrice de Faucigny. Ce libre usage collectif des pâturages des alpages est certainement le premier signe légal d'autonomie ou d'indépendance conquise par les motagnards sur le système féodal. Face à cet obstacle, Eric Boissonas compose avec sagesse et paie le prix fort pour acquérir les terrains communaux dont il a besoin.
Parallèlement aux négociations d'Arâches, Eric Boissonnas lance l'étude du domaine skiable qu'il confie à Laurent Chapuis et Denis Pradelle, les maîtres-bâtisseurs de Courchevel. Mais une décision de Boissonnas divise le groupe de travail mis en place depuis quelques mois. Pour parvenir à réaliser son rêve d'absolu, il nomme un architecte américain à la tête du projet, Marcel Breuer, dont le prestige international est tel que son autorité n'est pas discutée. Dans une lettre datée de novembre 1961, Laurent Chappis puis Denis Pradelle confient à Boissonnas que " les volontés plastiques de Monsieur Breuer vont trop à l'encontre de nos convictions personnelles. Nous ne pouvons suivre Monsieur Breuer dans ses conclusions architecturales sur Flaine". Chappis et Pradelle quittent le projet.
Pour la première fois, un hélicoptère dépose à Flaine quelques conseillers Généraux et leur président, Arthur Lavy, la direction de la préfécture et le guide Alfred Couttet. Le chamoniard se prononce sans hésitation en faveur du projet. Après quelques hésitations, le maire de Megève, André Mollard, président de la commission du Tourisme au Conseil Général, se rallie à l'entreprise. Quelques jours plus tard, le Conseil Général de la Haute-Savoie, en séance, accepte la présence de l'architecte tant décrié à la tête du projet. Une réflexion résume à elle seule l'état d'esprit de l'Assemblée : " si grâce à Monsieur Breuer, Flaine doit devenir aussi célèbre que la tour Eiffel, nous devons accepter." Le dernier obstacle est levé par André Malraux alors ministre de la Culture. Il modifie la règle d'admission des étrangers à l'ordre des architectes français pour permettre à Marcel Breuer d'exercer en France.
A cette date, tous les acteurs de la création de la station de Flaine sont en situation sous la conduite d'un seul homme, Eric Boissonnas. Le chantier démarre et le premier coup de pioche est donné en octobre 1960 lors de la construction de la route qui doit conduire à la station. Gérard Chervaz, quant à lui, suivra l'évolution du chantier aux côtés de Marcel Breuer. Le jeune architecte genevois ne s'est jamais résolu à quitter le groupe, soucieux de pariciper à une grande oeuvre dont il est à l'origine.
Flaine possède ce caractère assez étonnant d'être la station de ce type la plus éloignée de la vallée. Pour accentuer l'identité particulière de la station, le créateur de Flaine a privilégié une éthique très portestante du ressourcement, de l'épanouissement culturel. La rigueur de l'architecture en béton, le confort apporté aux résidents et l'ouverture, dés 1969, du Centre d'Art, en sont les démonstrations. Nous sommes loin de l'idée de la grande kermesse du ski, même si aujourd'hui, les pratiques touristiques flainoises ont évolué. A sa création, Flaine, comme Méribel, possédait cette singularité d'être plus qu'une simple station de sports d'hiver.
Eric Boissonnas rêvait de Flaine comme d'un lieu de retraite, d'un petit univers isolé des contraintes du monde. Il avait une haute conception éthique du séjour en montagne et l'idée de créer un lieu de retraite en altitude l'emporte sur le repérage technicien des qualités du site. Eric Boissonnas était un mécène avant d'être un promoteur. C'était un homme de convictions et ses innovations (les galeries souterrainnes reliant les bâtiments, les canons à neige, la télévision par câble...) ont facilité par la suite l'aménagement des stations. Par respect pour ses idées sociales, il avait organisé un lieu de vie pour les ouviers des chantiers.
Lorsque les Hauts-Savoyards découvrent la station le jour de son inauguration, ils comprennent que Flaine est une curiosité. En 1968, le village d'Arâche-la Frasse, avec ses chalets, est la commune agropastorale où la vie communautaire est établie. Les traditions sont fortes et pour se rendre à Flaine, les habitants franchissent véritablement une frontière symbolique au passage du col.
Aujourd'hui, la station de Flaine reste une exception dans une montagne haut-savoyarde soucieuse de préserver ses villages et son architecture traditionnelle. Cependant, la station de Flaine, n'est pas un cas unique. Elle appartient à la grande famille des stations de ski de type 3 ème génération. Ce sont les stations dites "intégrées". En Haute-Savoie, Flaine et Avoriaz sont des modèles uniques en comparaison aux créations ex-nihilo réalisées en Savoie. La station de Flaine reste une oeuvre montagnarde signée, un héritage lourd à accepter. Pour rompre avec des années de doute, la station devra certainement puiser dans son passé pour affimer son destin au coeur du grand Désert blanc de Platé.

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Message par samoens » 21 oct. 2004 20:24

Flaine, la modernité au service de l'or blanc
HORIZONS
N° 5186 du 18/04/2003 - page 426 , 815 mots



Référence

Ce complexe de ski créé ex nihilo, en pleine montagne et ouvert en 1969, symbolise le concept de station « intégrée », située au pied des pistes. «Quel beau site, comment ne pas le gâter ? ». Tel fut, en 1959, le premier dessein de Marcel Breuer lors de son survol en hélicoptère de ce qui n'était encore qu'un grand champ de neige dans le massif alpin d'Arve Giffre. Découvert au cours d'une promenade en raquettes, le site de Flaine avait d'abord séduit René Martens et Gérard Chervas qui firent appel aux Boissonnas -et, par alliance, à la famille Schlumberger- pour financer leur projet de station. L'un des deux frères, Eric, un ingénieur, guide de haute montagne et voisin aux Etats-Unis de Philip Johnson et Marcel Breuer, fut immédiatement enthousiaste. De retour en France après quelques années passées outre-atlantique, il rêvait de villes nouvelles et d'importer en France la modernité américaine. Le site lui plut. D'autant que son éloignement des centre-villes historiques le libérait de toute contrainte architecturale. Comme Gabriel Benêt à Isola, Roger Godino aux Arcs, il fut l'homme de Flaine. Pourtant, ses rapports avec Maurice Michaux, l'ingénieur de l'équipement qui régnait sur le plan « neige », n'auguraient pas d'un chantier serein : pour cet aménageur, Boissonnas était « un poète encombré de millions ».

« Un musée à ciel ouvert »

Il faut dire qu'il avait d'emblée exprimé ses ambitions : faire de Flaine une « aventure culturelle », un « musée à ciel ouvert ». S'il prit soin de s'entourer d'urbanistes et d'architectes français déjà familiers des grands travaux dans ces régions, comme Laurent Chapis et Denys Pradelle, ainsi que du « découvreur » du site, Gerard Chervas, il manifesta aussi sa volonté de rompre avec la pratique locale en faisant appel, à New York, au « dernier des modernes », Marcel Breuer, formé à l'école du Bauhaus. L'exiguïté du terrain constructible réduit à quelques replats sur le flanc nord du massif obligeait à concentrer les bâtiments et à les bâtir en hauteur. Eric Boissonnas prit le parti d'une architecture homogène et moderne - loin des chalets savoyards- et d'une station interdite aux voitures.

Comme d'autres dites de la « troisième génération », Flaine est intégrée : au sous-sol des parkings, en rez-de-chaussée, des boutiques, des restaurants, des boîtes de nuit, tout pour l'après-ski ; au-dessus, des appartements. Le tout au pied des pistes. En 1959, Eric Boissonnas déposa les statuts de la Semag (Société d'études pour l'aménagement entre l'Arve et la Giffre), détenue à 52 % par les différentes collectivités, le reste par la famille autorisée à lotir 60 % des terrains constructibles et dotée d'une concession de 90 ans sur le domaine skiable.

En échange de ces avantages, les Boissonnas se virent contraints d'éponger le premier déficit lié à la construction de la route d'accès à la station : le département avait mis au pot 2 millions de francs, elle en coûta huit.En neuf ans de chantier, la Semag devenue Sag connut à peu près tous les déboires : menace de blocage par des associations de « propriétaires lésés » réclamant plus pour leurs terrains, retards administratifs, rupture entre les urbanistes français et l'architecte américain qui dirigeait les travaux depuis New York après avoir installé une agence à Paris, quasi faillite... En 1964, les dépenses dépassaient 40 millions de francs avant qu'un lit ou un tire-fesses ne soit encore installé. Il fallut faire appel à des prêts bonifiés pour financer les remontées et envisager de construire 1 000 lits de plus pour équilibrer l'opération.

La naissance des « pointes de diamant »

Compte tenu de l'altitude de Flaine, entre 1 600 et 1 800 m, la préfabrication s'imposait. Et Marcel Breuer découvrit à cette occasion le procédé de Jean Barets qui donnait jusqu'à 50 cm de relief aux panneaux. Ainsi naquirent les « pointes de diamant » ou les façades « d'ombre et de lumière » sur lesquelles les rayons du soleil venaient se briser. L'architecte avait trouvé là le moyen de rompre « l'horizontalité des lignes de niveaux auxquelles sont asservis les bâtiments, créations humaines, opposées aux reliefs chaotiques de la montagne ». Le béton, parfois imprimé de motif, est laissé brut pour rappeler l'environnement calcaire. Et la rigueur -ou faut-il dire austérité- de l'ensemble n'est adoucie que par de grandes oeuvres d'art moderne comme Le boqueteau de Dubuffet en résine epoxy ou la Tête de femme de Picasso de 12 m de hauteur, réalisée en béton et nid d'abeille à partir d'une maquette exposée dans le musée de l'artiste à Paris. La station accueillit ses premiers skieurs en janvier 1969.

A LIRE

Elie Boissonnas, « Flaine, la création », éditions du Linteau

Bernard Marrey, « Les bâtisseurs de la modernité », éditions du Moniteur

PHOTO : Ci-dessus, Le boqueteau, une sculpture monumentale en epoxy de Dubuffet. Elle fût réalisée en 1988, d'après la maquette de 1969.

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Message par samoens » 21 oct. 2004 20:27

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Compte tenu de l'altitude de Flaine, entre 1 600 et 1 800 m, la préfabrication s'imposait. Et Marcel Breuer découvrit à cette occasion le procédé de Jean Barets qui donnait jusqu'à 50 cm de relief aux panneaux. Ainsi naquirent les « pointes de diamant » ou les façades « d'ombre et de lumière » sur lesquelles les rayons du soleil venaient se briser.


Immeuble Bételgeuse,
Arâches,
L'immeuble «Bételgeuse», situé dans le prolongement de l'hôtel «Le Flaine» est l'un des premiers immeubles construits dans la station à partir de 1966, et illustre le parti-pris moderne de l'architecte par l'emploi du béton brut, notamment les panneaux en pointe de diamant sur lesquels la lumière vient jouer avec les ombres des balcons en forte saillie.

L'architecte avait trouvé là le moyen de rompre « l'horizontalité des lignes de niveaux auxquelles sont asservis les bâtiments, créations humaines, opposées aux reliefs chaotiques de la montagne ». Le béton, parfois imprimé de motif, est laissé brut pour rappeler l'environnement calcaire. Et la rigueur -ou faut-il dire austérité- de l'ensemble n'est adoucie que par de grandes oeuvres d'art moderne comme Le Boqueteau de Dubuffet en résine epoxy ou la Tête de femme de Picasso de 12 m de hauteur, réalisée en béton et nid d'abeille à partir d'une maquette exposée dans le musée de l'artiste à Paris. La station accueillit ses premiers skieurs en janvier 1969.

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Message par samoens » 21 oct. 2004 20:37

Le Centre Culturel de Flaine propose une documentation au format PDF, avec une liste non exhaustive des oeuvres visibles dans la station.

http://histoiredesarts.9online.fr/image ... 9ation.zip

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Message par samoens » 21 oct. 2004 20:49

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Message par samoens » 21 oct. 2004 21:29

Les suisses s'interessent à Flaine
http://www.hec.unil.ch/uert/Principal/R ... Flaine.jpg

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Message par samoens » 21 oct. 2004 21:40

Flaine à ses débuts
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Message par Dom (klashkabob) » 22 oct. 2004 08:33

J'ai tout lu :o

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Message par Flaine » 13 nov. 2004 19:46

On le voit sur les photos de Samoens, il y avait un télépférique "va-et-vient" à la place du DMC actuel, J'ai été voir sur le site du GM sur la page 'historique', et il n'y a qu'une seule photo.
Donc est-ce que quelqu'un a des images de cette ancienne remontée ? Merci

Greg
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Message par Greg » 27 avr. 2005 17:30

Selon ça va déménager à la montagne, Eric Boissinnas est mort à l'âge de 92 ans.

(L'ingénieur qui bâtit Flaine)

Alpha T
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Message par Alpha T » 27 avr. 2005 18:36

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quand je vois cette photo, j'ai vraiment l'impression d'y etre !!
à part le DMC qui n'était pas encore là, le reste me parait quasi inchangé....

Matthieu
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Message par Matthieu » 27 avr. 2005 18:38

C'est vrai, même si la piste au 1er plan a été quand même rabottée et élargie :wink:

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Message par Greg » 27 avr. 2005 19:21

ça c'est génial, un développement raisonable ...

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Message par Matthieu » 27 avr. 2005 21:05

Si ça pouvait être comme ça dans toutes les stations :!:

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